From 7294e275c33fc9efd3bba560fa4c0a3aba03c7a4 Mon Sep 17 00:00:00 2001 From: Robert Alessi Date: Wed, 27 Mar 2019 18:28:25 +0100 Subject: sanbox bibliography --- sandbox/ralessi/corrige-2.tex | 154 ++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++ 1 file changed, 154 insertions(+) create mode 100644 sandbox/ralessi/corrige-2.tex (limited to 'sandbox/ralessi/corrige-2.tex') diff --git a/sandbox/ralessi/corrige-2.tex b/sandbox/ralessi/corrige-2.tex new file mode 100644 index 0000000..fd107ff --- /dev/null +++ b/sandbox/ralessi/corrige-2.tex @@ -0,0 +1,154 @@ +\documentclass[12pt,a4paper]{article} + +\usepackage[french]{babel} +\usepackage[small]{titlesec} + +\usepackage{fontspec} +\usepackage{microtype} +\usepackage{ebgaramond} + +\usepackage{tocdata} +\usepackage{csquotes} + +\usepackage[style=authoryear]{biblatex} +\addbibresource{exercice.bib} + +\begin{document} +\sectionauthor*{Esquisse d'une cartographie des dictions françaises, + 1890-1965: ruptures manifestes et filiations + souterraines}{Marion}{Chénetier-Alev} + +Tenter une cartographie des dictions des acteurs français d'une partie +du xx\textsuperscript{e} siècle, c'est s'aventurer sur un versant +d'une histoire des acteurs en France, qui n'est pas encore +écrite. C'est en outre être confronté aux problèmes méthodologiques +que soulève toute entreprise historique, encore aggravés par la +situation particulière des recherches portant sur le travail de +l'acteur. Dans cette perspective, une histoire de la \enquote{diction} +s'avère moins aisée encore. Jusqu'au début du xx\textsuperscript{e} +siècle, aucun enregistrement ne vient remplir la fonction des tableaux +puis de la photographie, et les mots mêmes font défaut pour décrire +efficacement les voix et les modes du parler au théâtre. Lorsqu'en +1907, au laboratoire du Collège de France, le phonéticien Eugène +Landry \autocite{landry1911} s'efforce d'enregistrer quelques-uns des plus +célèbres comédiens de son temps en vue de caractériser leur diction, +s'il parvient à une \enquote{radiographie} remarquablement précise des +interprétations des acteurs du Français, on est en revanche frappé du +contraste entre la rigueur de ses analyses techniques et le vide +acoustique qu'elles créent dans l'esprit du lecteur: à moins qu'il +n'ait déjà entendu ces acteurs, la lecture du diagnostic est +absolument impuissante à susciter en lui une quelconque \enquote{image + sonore} de leur jeu. + +Le minutieux travail de Landry aboutit pourtant à ce qu'il nomme une +\enquote{esthétique technique}. De fait, puisque l'on dispose de +nombreux enregistrements de comédiens sur l'ensemble du +xx\textsuperscript{e} siècle, et dès lors que les phénomènes vocaux et +élocutoires peuvent être exactement désignés, leur comparaison +systématique permettrait d'établir un schéma des continuités, des +ruptures et des évolutions de la diction, en repérant et datant par +exemple la disparition du \enquote{r} roulé, du \enquote{l} mouillé, +de la sonorisation des doubles consonnes, l'appauvrissement des +voyelles, l'accélération du débit, ou au contraire la résistance de +certaines intonations, etc. Grâce au traitement informatique de la +parole, les variations de hauteur, d'intensité et de durée, si +difficiles à démêler, peuvent enfin être différenciées. {[}\ldots{}{]} +Les critiques écrites autrefois, après une simple écoute, peuvent être +aujourd'hui passées au crible des enregistrements existants et révéler +ainsi les goûts et l'esthétique d'une époque. En somme, \enquote{une + histoire de la diction et de son esthétique est enfin + possible\footcite[69-81]{martinez2001}.}. + +Aucune de ces mesures, cependant, ne se révèle utile pour comprendre +la qualité d'une diction, la justesse d'une interprétation. Landry ne +s'en cache pas, alors même que ses analyses très fines font souvent +état d'aspects essentiels du jeu vocal tels que la conduite de +l'énergie ou le choix des moyens en fonction des émotions à produire: +\enquote{Mais le rapport au sentiment exprimé échappe à l'analyse et + c'est ce rapport qui fait le prix de cet art\footcite[Cf.][343]{martinez2001}}. + +Aussi mon projet est-il de cheminer parallèlement à ces approches +techniques, en prenant comme point de départ l'idée généralement +admise qu'un tournant dans la diction se serait opéré au moment de la +Seconde Guerre mondiale, se traduisant par une rupture, la perte d'une +\enquote{maîtrise}, notamment celle de la diction des +classiques. Est-il possible d'affiner cette vue d'ensemble, pour +éclaircir ce qui a pu susciter ce sentiment de rupture, quelles en +seraient les causes? Que sous-entend cette lecture de l'histoire +théâtrale en termes de perte? Peut-on poser quelques jalons sur la +carte des dictions et tenter de formuler ce qui s'y joue? L'ambition +(sinon l'utopie) de cette recherche, qui croise la vaste problématique +des rapports de la scène aux textes et aux voix des acteurs, passe de +loin le cadre d'un article. Nous n'en proposerons ici qu'une première +étape, sous la forme de quelques entrées indiquant les voies en cours +d'exploration. Le choix d'un parcours mêlé entre espace et temps, +reflété par mon titre, s'explique par un constat fait dès les premiers +repérages: il n'y a pas une, mais des dictions en présence, qui +dépendent en effet des lieux où se déroulent les représentations comme +du genre des pièces et des médias employés, et qui se chevauchent dans +le temps -- sans compter que de manière générale différentes dictions +peuvent être le fait d'un même comédien. Enfin cette étude s'appuie, +outre les sources académiques d'usage concernant l'acteur, sur +l'écoute intensive des archives audio de l'INA\footnote{Que mesdames + Christine Barbier-Bouvet, ancienne responsable du service Inathèque, + et Géraldine Poels, responsable de la valorisation scientifique à + l'INA, trouvent à nouveau ici l'expression de ma vive reconnaissance + pour m'avoir généreusement donné accès aux archives audiovisuelles.} +et sur une collecte d'informations effectuée directement auprès de +comédiens par une série d'entretiens menés depuis 2013. + +\subsection*{Les mutations phonétiques du xx\textsuperscript{e} + siècle} + +Les modes de la diction théâtrale sont indissociables des mutations +phonétiques qui affectent le xxe siècle français d'une manière +accélérée. Sans entrer dans le détail des travaux des linguistes, +indiquons d'après Pierre Léon et Michel Billières ***(Billières) trois +grandes vagues qui modèlent le siècle étudié. Avant la Seconde Guerre +mondiale, la norme phonétique pour la prononciation du français est +représentée par la grande ou moyenne bourgeoisie parisienne, qui +n'hésite pas à prendre des cours de diction comme les acteurs. Dans +les années suivant la guerre, les Français qui montent s'établir à +Paris font de la capitale un creuset où l'on assiste à un important +brassage des \enquote{accents}. Ainsi émerge au début des années 1960 +un nouveau modèle appelé le \enquote{Français standard} que définit +Pierre Léon en 1968 ***(Léon, 1968, 68‑72): + +Il existe une prononciation standard dont le niveau moyen est grosso +modo représenté par les annonceurs et les interviewers de la radio. +[\ldots] Leur prononciation reflète l'usage moyen, sans +recherche (pour plaire au grand public) et sans familiarité (à cause +du micro). [\ldots] c'est le modèle proposé à longueur de +journée à des millions de Français [\ldots] + +Rappelons qu'il y a treize millions de postes de télévision vendus en +1973. Les journalistes de radio-télévision \enquote{sont sélectionnés + entre autres critères en vertu de la qualité de leur diction et de + la clarté de leur prononciation\footnote{Cf. ***Billières.}}. +Enfin, après une première phase de nivellement de la prononciation au +sein des couches sociales ascendantes à la fin des années 1970, une +nouvelle norme apparaît à l'orée du xxi\textsuperscript{e} siècle, +\enquote{le français de référence}: l'accent dit \enquote{parisien} +n'est plus le fait de Paris mais tend à se propager dans beaucoup de +grandes villes situées au nord de la Loire. + +On y observe ce nivellement de la prononciation sans qu'il soit +vraiment possible de le rattacher à une classe sociale précise comme +c'était encore le cas pour la norme précédente. Les spécialistes +analysant cette tendance l'attribuent à l'influence des professionnels +de la parole publique [\ldots]. C'est un accent +passe-partout\footnote{Cf. ***Léon, 1968.}. + +L'écoute des archives de l'INA permet de corroborer cette évolution +linguistique chez les acteurs. Mais elle fait aussi ressortir que +leurs dictions, autant que par les normes phonétiques, s'affilient ou +divergent selon d'autres critères, tels les schémas intonatifs, le +débit de la parole, la netteté de l'articulation; et que les +influences sont d'ordre individuel (la transmission se fait de un à +un) beaucoup plus que collectif. Néanmoins, la question des accents +occupe une place importante dans l'histoire des dictions et l'on ne +s'étonne pas que la première grande réforme en la matière ait partie +liée avec eux. + +\printbibliography +\end{document} \ No newline at end of file -- cgit v1.2.3